Habiller la mariée, vraiment ?
Il existe quelques mythes & légendes dans la cession d’entreprise et assurément « l’habillage de mariée » fait partie des plus répandus. On parle ici de la tentation supposée pour un cédant d’utiliser à son avantage des latitudes d’interprétation comptables ou financières en vue d’obtenir une meilleure valorisation. Démystifions donc ce supposé danger.
La saine réalité de la pratique comptable en France
La tenue de comptabilité est en France une activité réglementée (pour preuve l’exercice illégal de la profession comptable est un délit) et notre pratique quotidienne du M&A Small Cap confirme que les experts-comptables jouent pleinement leur rôle de garant de la sincérité des comptes, même quand la certification des comptes n’est pas obligatoire. Pour le dire plus directement encore, les experts-comptables ont trop à perdre (c’est après tout le pendant d’avoir une activité protégée) pour cautionner des manipulations chiffrées significatives. Un dirigeant peut à la limite demander à choisir l’option de présentation lui paressant la plus avantageuse, les marges de manœuvre ne sont pas si grandes que cela, notamment quand on parle de reconnaissance du revenu (chiffre d’affaires) ou de bon rattachement des charges à un exercice.
L’importance de l’analyse des flux de trésorerie
Pour qui connaît un peu la technique comptable, la plupart des jeux d’écritures des écritures comptables portent en fait sur des écritures « non cash » et/ou opérations de clôture (les fameux OD – Opérations Diverses). Il est en revanche un domaine où l’interprétation n’a pas sa place, c’est le relevé bancaire. Les mouvements de trésorerie doivent donc être au centre de l’analyse financière d’une société. Chez Alvo, nous mettons ainsi systématiquement un tableau de flux de trésorerie dans les info-memos que nous produisons, en complément du compte de résultat et du bilan. Au moins les choses sont claires pour qui prend soin de les analyser.
Le current trading pour vérifier la dynamique post-clôture
Finalement le plus grand risque est de passer à côté du fait que l’activité dévisse post-clôture. « Les performances passées ne préjugent pas des performances futures » dit-on dans l’investissement. L’analyse du current trading (tendance des 3 à 6 derniers mois) est donc un autre point essentiel de l’analyse à mener, aussi bien sur le compte de résultat, la trésorerie et que sur le carnet de commandes. En demandant mois après mois les prévisions et les réalisations financières au cédant, un acquéreur peut ainsi vérifier la solidité de l’activité.
La GAP en dernier ressort
Reste un cas, celui de l’omission ou de l’erreur factuelle (délibérée ou non, là n’est pas le sujet) dans les états et déclarations fournies par le cédant. C’est ce que tente de régler la GAP, Garantie d’Actif et de Passif, morceau de bravoure que l’on garde généralement pour la fin de la négociation. La GAP est une sorte d’assurance en dernier recours pour l’acquéreur face aux erreurs déclaratives et éventuelles indélicatesses du cédant. Encore faut-il qu’elle puisse être activée et que la contrepartie soit solvable. C’est pour cela qu’on utilise souvent des mécanismes de « garantie de la garantie » qui visent à séquestrer une partie du montant d’acquisition pour couvrir les éventuels appels en garantie au titre de la GAP. L’activation d’une GAP est cependant toujours compliquée, et il vaut toujours mieux avoir les problèmes avant plutôt qu’après l’acquisition.
Tisser la confiance plutôt que d’habiller la mariée
On l’a vu, les tentations de maquillage des comptes ne résistent bien souvent pas longtemps aux analyses techniques, et la plupart des ficelles sont connues. Même si les opérations Small Cap ne permettent pas toujours de déployer des moyens d’audit très importants, les choses finissent le plus souvent par se voir. Et inutile de préciser que les effets de telles trouvailles marquent une dégradation dans la relation entre cédant et repreneur potentiel, quand ce n’est tout simplement pas la fin de discussion. Dans une transmission d’une PME, la confiance fait tout, et notre conviction est claire : le jeu n’en vaut tout simplement pas la chandelle. Et c’est bien au contraire une posture de transparence et de proactivité quant aux problèmes latents qui permet de rassurer un acquéreur et d’arriver à une solution satisfaisante pour toutes les parties.