Le contexte des années 80-90 a permis à des hommes d’affaires comme Bernard Tapie de racheter des entreprises en faillite à la barre du Tribunal pour 1€ symbolique. Cependant, ce temps est aujourd’hui révolu, et la reprise à coups de bagout et d’aplomb n’est plus possible. Grégoire Charlet, avocat spécialisé en restructuring, nous explique pourquoi :
Contexte législatif
La reprise en plan de cession est encadrée par les articles L. 642-1 et suivants du Code de commerce.
C’est donc le chapitre consacré à la liquidation judiciaire qui régit cette possibilité. Dans les faits, les plans de cession sont bien plus souvent adoptés dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire lorsque l’adoption d’un plan de redressement n’est pas possible.
Le cadre législatif actuel a été mis en place par la loi du 26 juillet 2005 qui a clarifié les solutions proposées précédemment par la loi de 1985.
Comme précisé ci-dessus, les plans de cession sont encadrés par les dispositions relatives à la liquidation judiciaire mais la plupart d’entre eux sont adoptés en redressement judiciaire (les dispositions applicables en liquidation judiciaire étant applicables en redressement judiciaire sur renvoi de l’article L.631-13 du Code de commerce).
En procédure de redressement judiciaire, il existe une hiérarchie des solutions possibles :
- Premièrement, si cela est possible, l’adoption d’un plan de redressement (étalement du remboursement des créances antérieures sur une durée maximale de 10 ans) est privilégiée ;
- Si un plan de redressement ne peut pas être adopté, un plan de cession sera envisagé. Pour autant, avant même que cette démarche ne soit lancée, tout repreneur intéressé qui est informé de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire peut déposer une offre entre les mains de l’administrateur judiciaire.
- Si aucune des deux solutions ci-dessus n’est possible, la procédure de redressement judiciaire sera convertie en liquidation judiciaire.
Certains plans de cession sont également adoptées dans le cadre de procédures de liquidation judiciaire lorsqu’il y a maintien d’’activité, c’est-à-dire que le tribunal de commerce ne prononce pas une liquidation « sèche » immédiate.
Le concept de reprise à 1€
Comme précisé en introduction, la reprise à 1 euro n’existe plus.
Désormais, le Code de commerce prévoit trois critères étudiés par le Tribunal pour examiner l’offre de reprise proposée :
- Le nombre d’emplois sauvegardés ;
- Le prix de cession proposé permettant le désintéressement des créanciers ;
- Les garanties permettant d’assurer la pérennité de l’activité reprise.
Le deuxième critère indiqué ci-dessus souligne bien que la reprise à 1 euro n’est plus envisageable.
En pratique, les offres de reprise proposent souvent des prix de cession considérés faibles au regard de l’activité reprise mais contiennent également des engagements de reprises de certaines charges (congés payés, RTT) et surtout soulignent les investissements qui seront réalisés.
Lors de l’audience, l’avocat du candidat repreneur va mettre en avant le coût total de l’opération envisagée plutôt que le simple prix de cession afin d’appuyer l’offre de reprise car, même si le prix de cession n’est plus jamais à 1 euro, les prix de cession sont toujours perçus comme insuffisants au regard du passif du débiteur.
L'offre de reprise
L’offre de reprise est un document soumis à l’administrateur judiciaire dans le processus compétitif de reprise. Ce document est toujours bâti de manière similaire :
- La description du repreneur ;
- Présentation du plan d’affaires projeté ;
- Le périmètre de l’offre (les actifs repris, les contrats poursuivis, etc.) ;
- Le volet social de l’offre (le nombre de postes de travail repris (on ne peut pas choisir nommément les salariés), la durée de l’engagement de maintien des emplois repris, ce qui est offert à ceux non repris) ;
- Prix de cession (critère important car permettant le désintéressement des créanciers) ;
- Financement du projet présenté par le repreneur ;
- Les principaux termes de l’offre (date d’entrée en jouissance, date de réalisation de la cession, etc.).
La particularité d’une telle reprise est que contrairement au rachat d’une société, le repreneur n’acquiert que « l’activité et les actifs » du débiteur, c’est-à-dire que (presque) aucune dette du débiteur en procédure collective ne lui est transmise. Cependant, cela reste un certain défi car le repreneur doit s’investir pour relancer l’activité qui avait périclité.
De plus, le repreneur acquiert l’activité et les actifs dans l’état dans lequel ils se trouvent. Comme c’est une cession judiciaire, il est impossible de se retourner contre un cédant qui aurait caché un point négatif. En bref, on achète un peu à l’aveugle et on doit s’investir à fond pour redresser la barre.
Les acteurs impliqués :
L’offre est déposée auprès de l’administrateur judiciaire qui les analyse et les transmet au Tribunal en les analysant à l’aune des critères pérennité, maintien de l’emploi et désintéressement des créanciers.
Le procureur de la République, le juge-commissaire et le mandataire judiciaire vont exprimer leur position sur les offres soumises.
Les salariés et le chef d’entreprise de la société débitrice donnent également leur avis.
Mais c’est le Tribunal de commerce qui prend la décision sur quel repreneur est le plus à même de « sauvegarder » l’activité et pérenniser les emplois des salariés repris.
Conclusion ;
Racheter « à la barre », si ça semble une opportunité facile à saisir dans la série Tapie, demande désormais un investissement important du candidat repreneur pour convaincre le Tribunal que son offre doit être choisie.
Les Tribunaux de commerce vérifient avec soin que le projet porté est cohérent et que l’activité reprise ne sera pas à nouveau en faillite quelques mois après.
Enfin, ces reprises sont des belles opportunités mais également de sacrés défis. Il s’agit de redresser une activité sans pouvoir se retourner contre celui qui nous a vendu.